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« Nous reconnaissons avec humilité que l’opinion des entreprises au sujet des syndicats n’était, par le passé, pas conformes aux attentes de la société. » Il aura fallu près de vingt-quatre heures au conglomérat sud-coréen Samsung, pour réagir, à la condamnation – la veille donc – de Lee Sang-hoon, président du conseil d’administration de son fleuron, Samsung Electronics, et de son vice-président exécutif, Kang Kyung-hoon. Les deux hommes ont été condamnés à dix-huit mois de prison pour avoir manœuvré afin d’empêcher toute activité syndicale.
Vingt-six autres cadres, sur 32 qui étaient inculpés, ont été reconnus coupables et sanctionnés. Le 13 décembre, M. Kang s’était vu infliger seize mois de prison ferme pour des faits similaires au sein d’Everland, un parc d’attractions géré par Samsung C&T, la branche BTP du conglomérat.
Ces condamnations – annoncées alors que le dirigeant du chaebol, Lee Jay-yong, est en procès pour corruption – concluent une procédure de plus de six ans, lancée après les révélations, en 2013, de la députée du Parti de la justice (gauche, à l’époque dans l’opposition), Sim Sang-jeung. Cette dernière avait dévoilé un document de 150 pages détaillant la gestion des ressources humaines de Samsung.
Des enquêtes sur la vie privée pour pousser au départ
Pour décourager toute formation de syndicat, les dirigeants ciblaient les employés « à risque » en réduisant leurs rémunérations. Ils commanditaient des enquêtes sur leur vie privée et en utilisaient des faits, un endettement ou encore une grossesse, pour les pousser au départ ou au silence. Lee Sang-hoon et Kang Kyung-hoon étaient directeurs financiers au moment des faits.
Historiquement, le conglomérat a tout fait pour empêcher la création de syndicats. « Moi vivant, jamais ils ne seront autorisés », disait en 1987 son fondateur, Lee Byung-chul. Samsung voulait éviter de se retrouver dans une situation similaire à celle du constructeur Hyundai, affecté par des grèves quasi annuelles.
Plusieurs affaires l’ont contraint à revoir sa position, notamment celle des dizaines d’ouvriers de ses usines de semi-conducteurs, tombés gravement malade et parfois décédés pour avoir été massivement exposés à des produits chimiques dangereux. Le scandale avait mis en évidence la vulnérabilité des salariés, qui avaient dû s’en remettre au soutien d’une association, Sharps (Soutien pour le droit et la santé des employés de l’industrie de semi-conducteurs), pour mener leur combat. Le groupe avait réglé l’affaire en 2015 en créant un fonds d’indemnisations.
Le 18 novembre, alors que Samsung Electronics venait de célébrer – le 1er novembre – le 50e anniversaire de sa création, la ville de Suwon, bastion de Samsung au sud de Séoul, a validé la création de la première organisation syndicale viable du groupe, car affiliée à la puissante Fédération des syndicats de Corée (FKTU).