Le discours politique n’est pas le tout du politique, mais il n’est pas de politique sans discours politique. Celui-ci est constitutif de celui-la. Si, en période électorale, le président a su faire des discours creux et trouver des slogans miraculeux pour tromper la populace, cependant, une fois arrivée au timon des affaires publiques; il devait mesurer la teneur de ses discours tout en tenant compte des sensibilités sociales.
Issu du latin, populus, le mot peuple signifie l’ensemble des personnes vivant en société sur un même territoire et unies par des liens culturels, des institutions politiques, leur origine, leur mode de vie, leur langue ou leur culture. On peut encore définir le ‘’peuple’’ comme « le plus grand nombre, la masse des gens, par opposition à ceux qui s’en distinguent par leur niveau social, culturel ou par opposition aux classes possédantes, à la bourgeoisie». Ainsi Paul Valéry écrit: «Le mot “peuple”désigne tantôt la totalité indistincte et jamais présente nulle part; tantôt le plus grand nombre, opposé au nombre restreint des individus plus fortunés ou plus cultivés ».
Bref, le mot peuple est une notion polysémique dont le sens varie selon le contexte. Ici, le président a utilisé le mot ‘’peuple’’ dans un contexte très spécial où les plus pauvres de la population sont descendus dans les rues pour protester contre la corruption et pour l’avènement d’une nouvelle forme de gouvernance politique. Dans la sociologie haïtienne, dès qu’on parle de ‘’TI RÈS LA’’, il y a automatiquement tout un tas de perceptions qui remontent dans l’imaginaire collectif. Et comme de fait, de nombreux citoyens ont été indignés sur les réseaux sociaux, encore une fois, contre de tels propos du président MOÏSE; TI RÈS LA, POU PÈP LA.
Au beau milieu d’une crise aiguë, une fois de plus, M. MOÏSE a raté l’occasion d’avoir su construire un discours apaisant non provocateur et discriminatoire à une couche de la population d’origine. Partant de la seconde définition et celle de Paul Valéry, TI RÈS LA, POU PÈP LA est un discours déshumanisant ! Communicationnellement; il enlève la dignité de cette catégorie de la population qui n’a de cesse de lutter pour changer ses conditions de vie. Alors qu’elle assiste, avec impuissance, des dirigeants passés et actuels au pouvoir qui ont fait des fortunes en toute quiétude, mais avec dédain.
Au-delà de son implication avérée dans la dilapidation des fonds Petrocaribe, le président Jovenel et son entourage ont-ils continué à barboter des fonds publics au détriment du peuple au point d’être consciencieusement obligé de faire des aveux?
TI RÈS LA, POU PÈP La, est une reconnaissance publique qu’il y a eu des sommes faramineuses qui auraient dû être utilisées au profit de cette couche vulnérable, mais elles ont finalement été dérobées.
TIRÈS LA, POU PÈP LA, s’il s’agissait d’une stratégie de communication pour retenir l’attention, à bien des égards; elle a pourtant reçu une fin de non recevoir. Et c’est encore pire d’en faire la publicité dans les rues de Port-au-Prince, en cette période de fins d’année difficile, avec l’argent de cette catégorie sociale appauvrie qui n’en peut plus. C’en est trop, Monsieur le président!
Witzer MESADIEU